jeudi 1 novembre 2012

Le dictionnaire de Simon-Jude HONNORAT

Docteur en médecine, savant naturaliste et lexicographe.
Simon-Jude HONNORAT appartient à une ancienne famille d'Allos, dont on voit encore la maison, au hameau minuscule appelé Haut-Villard.
Il naquit le 3 avril 1783.
Il avait commencé ses études, lorsque la Révolution l'obligea à les interrompre.
A l'âge de 16 ans, il épousa Marie-Rose Véronique GARIEL, sœur de Jean Baptiste Antoine Hyacinthe Claude GARIEL.
A 18 ans, il étudiait la médecine à Grenoble, et il se livrait avec tant d'ardeur à l'étude de la botanique et de la chimie qu'il obtint les premiers prix à l'école centrale.
Il alla ensuite à Paris, pour continuer et compléter ces mêmes études. Il prolongea son séjour pendant cinq ans et revint avec le titre de docteur.
Après son retour de Paris, il exerça la médecine pendant un an, dans son pays natal, et il vint ensuite se fixer définitivement à Digne.
En 1815, il refusa une sous-préfecture; mais il accepta, peu de temps après, les fonctions de directeur des postes à Digne, parce qu'elles n'étaient pas incompatibles avec ses travaux scientifiques.
En 1830, ses opinions politiques l'éloignèrent de l'administration des postes et le rendirent tout entier à ses chères études. Il fut le principal fondateur des Annales des Basses-Alpes, et sa plume fournit un grand nombre d'articles à cette publication. ''Son érudition pour tout ce qui regarde la langue, l'histoire et les productions du sol de la Provence, est, véritablement, étonnante.
Il a cultivé avec persévérance et succès toutes les branches des sciences naturelles......
Son herbier provençal est très complet et admirablement tenu; son cabinet d'histoire naturelle, très riche, sa collection d'insectes, fort belle.
Il en a découvert plusieurs espèces nouvelles :
c'est à lui que les amateurs doivent la connaissance du beau papillon Alexanoret de la Thais Honnoratii.
Sa collection des fossiles des Alpes est très curieuse.
La science a donné à quelques-uns le nom du laborieux docteur."
Mais l'ouvrage le plus important du docteur Honnorat est :
le DICTIONNAIRE PROVENCAL-FRANCAIS ou DICTIONNAIRE DE LA LANGUE D'OC, ANCIENNE ET MODERNE,
Le docteur Honnorat était donc un véritable savant, et il a eu, en outre, le mérite d'unir la modestie à la science.
Il a constamment refusé les invitations des sociétés savantes qui auraient voulu le compter parmi leurs membres.
L'amour de son pays l'a toujours retenu dans les Alpes, dont il est un des hommes les plus célèbres par ses talents et par ses œuvres.


Volume IV (vocabulaire Français - Provençal)

Volume III (P - Z)

Volume II (E - O)

Volume I (A - D)

samedi 20 octobre 2012

Etienne MARTIN (1856 - 1945)


"Qui est Etienne Martin ? La lecture de sa biographie laisse apparaître l’image d’un homme dont la vie s’organise autour de deux grands pôles d’activités : l’exercice de la peinture dont il vivra toute sa vie, avec son implication dans la vie culturelle et artistique de Marseille où il séjournait une grande partie de l’année et la poursuite de l’oeuvre de son père Paul, en tant que fondateur et défenseur du Musée de Digne."
"Il en sera le conservateur dès 1905 et cela jusqu’à sa mort en 1945. Il engloutira sa fortune dans cette aventure."
"Sa vie se partage donc entre Digne et Marseille au gré de déplacements en diligence qui font l’objet de nombreux récits, impressions de voyages émaillés de remarques et de rencontres pittoresques. Cet homme né au milieu du XIXe siècle dans un milieu bourgeois très influencé par l’idéologie mistralienne est aussi un homme de lettres et nous pouvons retrouver sa personnalité, ses goûts, ses coups de coeur et ses désenchantements au fil de ses écrits."
"Qu’un peintre soit également conservateur est banal au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle. Appointés et logés par les municipalités, les artistes trouvent la sécurité qui leur permet de se consacrer à leur art."
"Le musée constitue également pour lui l’occasion de défendre un certain idéal artistique. Nommé conservateur en 1905, Etienne Martin va mettre en place la section des Beaux-Arts grâce, en majeure partie, aux dons des membres de l’Association des Artistes Marseillais, confrères du peintre. Il met ainsi en lumière un aspect de l’art provençal au moment de la Belle époque (1880-1914)."

Source Musée Gassendi, Digne-les-Bains

Paul MARTIN (1830 - 1903)

"Père d'Etienne, il naît à Digne en 1830. Forte personnalité, il délaisse les études, malgré les aspirations de ses parents, pour pratiquer l’aquarelle avec Victor Camoin qu’il suit à Marseille à dix-huit ans. A 24 ans, il ouvre un magasin d’objets d’art, activité fondamentale en ce qu’elle lui permet de rencontrer le milieu artistique marseillais."
"Rapidement, il collectionne, devient un amateur éclairé, reconnu et estimé. A partir de 1865, il liquide son commerce et se consacre plus librement à sa propre peinture. Il vend ses aquarelles dans toute la Provence, en France et même à l’étranger. Après 1870, il organise des expositions au Cercle artistique. Il décède en 1903, peu avant l’ouverture du musée."

Source Musée Gassendi, Digne-les-Bains
http://www.musee-gassendi.org/le-cabinet-d-etienne-martin.html

Acte de naissance de Pierre Balthazard MARTIN (Digne-les-Bains)

vendredi 19 octobre 2012

André HONNORAT (1868 - 1950)


André Honnorat, né le 13 décembre 1868 à Paris (9e) et mort le 24 juillet 1950 dans la même ville (14e) [...] Fils d'un négociant et d'une pigiste, André Honnorat entame à Lyon des études secondaires qu'il est contraint d'abandonner à cause des difficultés financières que connaît sa famille. Il entame néanmoins une carrière de journaliste avant d'entrer dans la haute administration. Il est tour à tour directeur de cabinet de plusieurs ministres de la Troisième République. En 1896, il crée, avec Émile Javal, Charles Richet et Jacques Bertillon, l'Alliance nationale pour l'accroissement de la population. Ensemble, ils tentent de convaincre les pouvoirs publics d'instituer des mesures d'intérêt démographique et d'assimilation des immigrés.
En 1907, il est élu conseiller général du canton de Lauzet, dans les Basses-Alpes. Il le demeurera jusqu'à sa mort, en 1950. Puis, en 1910, il est élu député des Basses-Alpes sur les listes de la Gauche radicale démocratique. Il propose plusieurs amendements (22 janvier 1914) sur l'hygiène et les soins apportés aux jeunes hommes effectuant leur service militaire, notamment l'interdiction de renvoyer un soldat dans son foyer sans qu'il n'ait été traité contre la tuberculose. La Chambre des députés ratifie cet amendement quelques mois plus tard, le 15 avril 1915, en votant des crédits qui permettront des installations sanitaires où les poilus seront curés contre la tuberculose. Il fonde, en 1916, le Comité d'assistance aux anciens militaires tuberculeux. La même année, afin d'économiser l'énergie du pays en guerre, il propose l'adoption de l'heure d'été.
Entre 1917 et 1920, il multiplie les fondations et les amendements à but humanitaire ; Comité de protection et d'éducation des orphelins de guerre et des fils de Français résidant à l'étranger (1918), loi dite « loi Honnorat » qui institue des sanatoriums pour les tuberculeux, cité internationale universitaire de Paris (1919) construite à partir de 1923 avec la collaboration de la Suède, de la Norvège et celle de David Weill, Jean Branet et Paul Appel.
En 1920, il participe à la fondation de l'Union internationale contre la tuberculose et il est nommé, la même année, ministre de l'Instruction publique.
En 1921, il est élu sénateur des Basses-Alpes et devient membre des commissions des Affaires étrangères, de l'Éducation nationale et de la Santé publique.
En 1925, il est fait président du Comité national de défense contre la tuberculose (CNDT) avant de devenir membre de l'Institut Pasteur de 1932 à 1934, date à laquelle il crée la Fondation Roux qui attribue des bourses aux jeunes scientifiques étudiants à l'Institut Pasteur.
En 1930, il participe au troisième cours universitaire de Davos, avec de nombreux autres intellectuels français et allemands.
Après l'invasion allemande et la défaite française en 1940, André Honnorat compte parmi les parlementaires qui s'abstiennent lors du vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Pendant toute la durée de l'occupation allemande, et avec le concours de ses propres réalisations (CNDT), il aide les tuberculeux à rejoindre les sanatoriums de la zone libre. Il est choisi en 1944, par Charles de Gaulle, pour intégrer l'Assemblée consultative provisoire, quelques mois avant son élection au Conseil de l'université de Paris et son élection à l'Académie des sciences morales et politiques, le 24 février 1947.
André Honnorat s'éteint le 24 juillet 1950, à 82 ans, dans la Cité internationale universitaire de Paris, une résidence pour les étudiants du monde entier à laquelle il aura consacré trente ans de sa vie.
Acte de naissance d'André Honnorat (Paris 9e)



samedi 22 septembre 2012

vendredi 21 septembre 2012

Découverte des Archives d'Aix en Provence


Jeudi 20 septembre, 44 membres de notre association ont eu la chance de découvrir l'annexe des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence. Une première pour la plupart d'entre nous.

Au programme de cette journée bien remplie : visite commentée des magasins où chacun aura pu admirer quelques documents d'un grand intérêt historique et visite de l'exposition temporaire consacrée au canal de Provence.
Cette journée Aixoise, s'est prolongée par une découverte du Musée du Vieil Aix ou Madame la conservatrice nous a fait l'honneur de nous guider à travers les collections et s'est brillamment terminée dans la cloître de la cathédrale Saint-Sauveur, guidés par des commentaires d'une qualité exceptionnelle.
Nous remercions vivement les différents intervenants et notamment M. Blachon, responsable de l'antenne Aixoise des Archives Départementales, pour son accueil, nous permettant ainsi de passer une journée mémorable.

samedi 25 août 2012

Paul ARÈNE (1843 - 1896)

Buste par J.A. Injalbert
Paul Auguste Arène, né le 26 juin 1843 à Sisteron et mort le 17 décembre 1896 à Antibes, poète provençal et écrivain français, inhumé à Sisteron. Fils d'Adolphe Arène, horloger et de Marie Louise Reine Lagrange, modiste.
Après avoir préparé une licence de philosophie, Paul Arène travaille comme maître d'études aux lycées de Marseille, puis de Vannes. Une petite pièce jouée avec succès à l'Odéon, Pierrot héritier, lui fait quitter, en 1865, l'université pour le journalisme. Il a 23 ans.
À Paris, il fréquente les cafés littéraires et devient l'ami d’Alphonse Daudet, François Coppée, Catulle Mendès. Il écrit régulièrement pour Le Journal, puis Le Figaro littéraire des articles et des chroniques. En relation constante avec Joseph Roumanille (il compose ses premiers vers provençaux qui paraissent dans l'Almanach avignonnais), Frédéric Mistral et Théodore Aubanel, il regroupe ses amis occitans de Paris, puis, s'inspirant du Félibrige de Fontségune, il organise en 1879 le Félibrige parisien, dont il sera le président après Charles de Tourtoulon et Jasmin. Il anime diverses revues : La Cigale, La Farandole, Lou Viro-Soulèu.
Le sujet de toutes ses pièces provençales est tiré de quelques particularités de mœurs ou de paysages de la contrée de Sisteron : Fontfrediero, Lis Estello negro, Raubatori.
En langue française, Paul Arène publia son Parnassiculet, qui lui valut de vives inimitiés. Les auteurs du Parnasse y étaient appelés « des Turcs attardés qui ont oublié, ou qui ne savent peut-être point, que le carnaval romantique est clos depuis trente ans. » Comme l'a révélé Octave Mirbeau en 1884, Paul Arène a collaboré activement avec Alphonse Daudet à l'écriture des chroniques provençales publiées par L'Événement et qui furent ensuite rassemblées sous le titre Les Lettres de mon moulin, collaboration si dense que Paul Arène est décrit par quelques spécialistes de l'histoire de la littérature provençale comme le nègre de Daudet.
En 1868, Paul Arène écrivit ce qui reste son chef-d'œuvre, Jean des Figues. Après 1870, il publia des chroniques, des contes, des poèmes, dont notamment Le Tors d'Entrays, Le Clos des âmes, Le Canot des six capitaines, Au Bon Soleil et La Gueuse parfumée, deux recueils de contes. Vinrent ensuite La Chèvre d'or, puis Les Ogresses, Le Midi bouge et Domnine. Chevalier de la Légion d'Honneur le 31 décembre 1884.
Un grand tableau peint par Paul Chabas (1869-1935), chez Alphonse Lemerre, à Ville d'Avray à la demande de l'éditeur des poètes parnassiens, représente Paul Arène aux côtés de Sully-Prudhomme, de Jules Claretie, de Leconte de Lisle ou de l'écrivain et académicien français Paul Bourget.

vendredi 24 août 2012

Manosque et l'Armorial de 1696


Le communauté des boulangers


Le communauté des cordiers


Le communauté des jardiniers


Le communauté des tanneurs


Le communauté des cardeurs à laine


Le communauté des meuniers


Le communauté des chapeliers


Le couvent des Carmes


Le couvent des religieuses de Saint Bernard


Le confrérie des Pénitents Blancs


La confrérie de Saint-Antoine


Le ville de Manosque

vendredi 10 août 2012

La Maison de Castellane

Armes de la Maison
de Castellane
La maison de Castellane est une des plus anciennes de la Provence. L'origine de sa noblesse se perd dans la nuit des premiers temps du moyen-âge. On a des actes authentiques qui prouvent que dès le commencement du onzième siècle elle était déjà très puissante, puisqu'à cette époque la baronnie de leur nom se composait de vingt-huit ou même trente fiefs, dont quelques-uns étaient tenus par des seigneurs sur lesquels cette baronnie exerçait une supériorité féodale, laquelle imposait à ceux-ci certaines obligations envers le haut suzerain, et, entre autres choses, à l'aider contre tous, fors contre le comte de Provence, disent les vieux chroniqueurs. En d'autres termes, les Castellane étaient, dans la presque rigueur du mot, les véritables souverains du territoire soumis à leur domination. Aussi les voit-on s'allier aux grandes familles de Baux, de Blacas, de Glandevès, de Forbin-Janson, de Pontevès, de Suffren, de Villeneuve, de Vintimille, de Grimaldi, d'Albertas, de Valbelle, de Mirabeau, de Foresta, de Tournon, de Thémines, de Brancas, de Lesdiguières, etc. On compte parmi ces seigneurs des colonels, des mestres et des maréchaux-de-camp, des lieutenants-généraux, des ambassadeurs, des évêques, des abbesses, et plus de soixante chevaliers de Malte. Leur filiation, non interrompue, remonte jusqu'à Boniface de Castellane, premier du nom, et petit-fils de Guillaume, gouverneur, pour les empereurs d'Allemagne, du comté de Salines, dans les Alpes-Maritimes. Ce même Boniface fut choisi en l'an 1089 avec Falco, prince de Calliano et Raimond, comte de Saint-Gilles, pour arbitre des différends survenus entre l'abbé de Saint-Honoré de Lérins et l'abbé de Saint-Victor, de Marseille.

Après lui, les plus marquants de ses successeurs sont :

1° Boniface de Castellane, deuxième du nom, l'un des seigneurs provenceaux qui, en l'an 1146, c'est-à-dire à l'avènement de Raimond Bérenger II au comté de Provence, entrèrent dans la confédération féodale de cette principauté, et lui prêtèrent foi et hommage dans la ville de Tarascon. Voici en quels termes honorables un historien moderne parle de ce fait : " Parmi les nouveaux feudataires se distinguait Boniface de Castellane, issu de l'un des chefs nationaux (Guillaume) qui, ayant concouru à chasser les Maures de Provence, avait ensuite fondé, dans l'ancien comté de Salines, non loin des ruines de la ville de ce nom, détruite par les barbares, le château et le bourg de Castellane, et qui, par d'aussi généreux services, avait acquis à sa maison la souveraineté d'un petit district, sauf les droits du royaume et de l'empire. »

2° Boniface III, baron de Castellane, seigneur de Salerne, etc., qui, animé d'un sentiment d'indépendance exagéré, et se croyant maître absolu de ses nombreuses terres, ne se crut pas lié par l'acte d'hommage de son père ; il voulut s'y soustraire lui-même ; mais assiégé dans son château par Alphonse, fils d'Idelphonse, roi d'Aragon, il fut contraint de subir la loi du vainqueur en 1189.

3° Boniface V, baron de Castellane, seigneur de Riez, Saint-Martin et autres lieux, esprit ardent et d'une bravoure à toute épreuve, avait acquis une grande influence sur les chefs de la république marseillaise, à ce point qu'il parvint à la déterminer d'entrer, en 1247, dans la ligue des villes d'Arles et d'Avignon contre Charles d'Anjou Ier, dont la politique, peu éclairée avait pour but de dépouiller les communes libres de leurs institutions municipales, et les barons de leurs priviléges : c'était tout un système de réaction, opposé à celui des Bérengers; mais, trahi par les circonstances, il fut décapité.

4° Boniface VI, surnommé le prince de Castellane par ses contemporains, obtint un genre d'illustration toute intellectuelle et pacifique : il était troubadour, et c'est à ce titre que son nom a franchi les limites bornées des Armoriaux, et a mérité les honneurs de la célébrité littéraire. Charles d'Anjou lui ayant rendu les terres qu'il avait confisquées sur son père, il accompagna ce prince à Naples en 1264 et lui dévoua ses poésies; c'est du moins ce qu'attestent une foule d'auteurs français et italiens, parmi lesquels nous pouvons citer Nostradamus, Millot, Papon, Bastero, Crescembini, etc. Feu Raynouard, provençal lui-même (comme nous), n'a pas manqué d'insérer un assez grand nombre de sirvantes deson illustre compatriote, dans son excellent recueil intitulé : Choix de poésies originales des troubadours, publié en 1820 par M. Firmin Didot ; 6 forts volumes in-8° (1). Boniface mourut sans postérité, mais Hugues son frère la continua. Des descendants de celui-ci sortirent successivement vingt-cinq branches, presque toutes éteintes, et toutes distinguées par leurs alliances et par les charges dont leurs membres furent investis.

Celle des seigneurs de la Verdière, à raison d'une alliance célèbre que contracta, sous Louis XIV, un de ses membres, mérite une mention particulière. Parmi les plus notables d'entre eux, on trouve Reforciat de Castellane, deuxième du nom, seigneur de la Verdière, de Fos, de Varages, de Tourves, de Jouques, de Peyroles, d'Entrecasteaux, de Castellet et autres lieux, député des États, en 1417, avec Fouquet d'Agoult, Bertrand de Grasse et autres feudataires, près de Yolande d'Aragon, tutrice de Louis III (seconde maison d'Anjou) et régente du comté de Provence, à Angers, pour réclamer le rétablissement d'anciennes franchises, supprimées par Charles, mission qui eut un plein succès. Boniface, son fils aîné, continua cette branche qui s'éteignit, dans la personne de Jean-Baptiste de Castellane, seigneur de la Verdière, premier consul de la ville d'Aix, en 1640 et 1654. Honoré, premier du nom, second fils de Reforciat, devint la tige des marquis d'Entrecasteaux et des comtes des Grignan. Gaspard I, de Castellane, fils d'honoré II, seigneur  d'Entrecasteaux, Esparron, etc., épousa, le 6 février 1498, Blanche d'Adhémar de Grignan. Gaspard II, son fils, hérita du comte de Grignan, son oncle maternel, à la charge de porter le nom et les armes de la maison d'Adhémar, et il fit en effet hommage de ses terres au roi François Ier, en 1531. Il épousa Anne de Tournon, nièce du cardinal de ce nom ; et en seconde noces, en 1555, Lucrèce de Grimaldi, dame d'honneur de la Reine. Il eut, du premier lit, Louis de Castellane Adhémard Monteil, comte de Grignan, capitaine de cinquante hommes d'armes, chevalier des Ordres, en 1584, et lieutenant-général en Provence, charge considérable qui équivalait à celle de gouverneur civil et militaire, créée en 1481, pour ce pays, par Louis XI. Enfin, un petit-fils de celui-ci, le comte de Grignan, comme lui lieutenant-général de la Provence, épousa, en
1669, la fille de madame de Sévigné, de cette femme admirable sous tous les rapports, dont le nom vivra aussi longtemps que notre langue, qu'elle a concouru à perfectionner par de simples causeries écrites, avec le même succès que Pascal par ses Provinciales, quoique dans un ordre d'idées et de sentiments fort différents.
Cette alliance a ainsi répandu un nouveau lustre sur le grand nom de Grignan, que les Provençaux de l'époque plaçaient sur la même ligne que celui de Montmorency. L'union des deux familles fut renouvelée en 1725, par le mariage de la plus jeune des trois filles de la marquise de Simiane, la divine Pauline, dont l'esprit devine tout, comme la caractérisait madame de Sévigné, sa grand'mère, avec le marquis de Castellane-Esparron, de la branche des seigneurs de Saint-Julien, qui avait pour tige Georges de Castellane, fils puîné de Reforciat 1er.

Les armes de la maison dont nous venons de résumer la notice historique sont de gueules à un château ouvert, crénelé et sommé de trois tours de même, maçonnées de sable, celle du milieu plus élevée que les deux autres. Elle est représentée aujourd'hui par M. le comte Jules de Castellane, dont les salons sont comme le brillant rendez-vous des plus glorieux représentants de la littérature et des arts; par M. le comte de Castellane, pair de France, lieutenant-général, commandant la vingt-unième division militaire, à Perpignan. C'est un des officiers généraux les plus distingués de l'armée.M. le marquis de Castellane, son fils, vient d'entrer à la Chambre des députés, comme représentant du collège électoral de Murat (Cantal), qui, lui donnant une marque inutile de confiance, en le nommant député huit mois avant qu'il n'eût l'âge voulu par la loi, et a persisté quatre fois dans une élection toujours annulée pour le même motif, jusqu'à ce qu'enfin leur but ait été atteint par l'effet même du temps.

Notice Historique sur la Maison de Castellane
publiée par MM Tisseron et de Quincy
Paris 1845

mercredi 25 juillet 2012

Archives de Vaucluse en ligne



Tout vient à point à qui sait attendre. Les Archives de Vaucluse sont désormais accessibles en ligne.




samedi 28 avril 2012

samedi 14 avril 2012

Joseph GIRAUD, "jacques" d'Aix

Ce que l'on sait de ....
Joseph GIRAUD, "jacques" d'Aix ...
Que signifie ce terme "jacques" en nom commun ?
En fait il y avait un hôpital Saint-Jacques à Aix en Provence où, entre autres soins, on recueillait les enfants abandonnés, qui parfois venaient de loin : "trouvé sous un porche", "sur la route d'Aubagne", "trouvé à Martigues", etc...
C'était une oeuvre qui les acceptait, qui était connue et qui se chargeait de les mettre en nourrice dans les villages des Alpes même lointains, "au bon air". On les suivait : chaque enfant avait sa page dans un grand registre, avec sa date de naissance, parfois le nom de la mère, puis, chaque année les fournitures de vêtements, 2 chemises, 2 paires de bas, 1 paire de souliers, parfois un drap, une pièce d'étoffe et quelques subsides ; on est loin de tout ce qui entoure nos enfants. Certaines pages étaient presque blanches, en marge on notait : décédé à 8 jours, 1 mois, d'autres plus remplie, ils avaient survécus.
Joseph GIRAUD, lui, est né le 8 février 1767 dans l'hôpital; la sage-femme l'apporte à l'oeuvre, sans donner le nom de la mère. Il est baptisé "Joseph" le surlendemain à Saint-Sauveur (cathédrale). Il est tenu sur les fonds baptismaux par Alphonse ARMAND et Jeanne FAURY.

Acte de baptême de Joseph Giraud
Puis on le confie "aux femmes de l'hôpital" et le 10 février, on l'expédie en nourrice à Saint-Martin de Brômes (04)...
Qui pouvait être sa mère ? Sûrement pas une fille-mère, car elle aurait dû se déclarer enceinte, donner son nom, son origine, ses père et mère, parfois le nom du père "des oeuvres d'Untel", ceci pour éviter les avortement et infanticides qui étaient punis de mort par pendaison ... Brrr. Certaines filles confiaient l'enfant en spécifiant qu'on puisse bien le reconnaître ultérieurement, puis elle revenaient quelques mois après le légitimer et le rechercher : c'était assez rare toutefois. L'ouvre ne les rendait pas toujours, certaines ayant montré une vie trop dissolues : 3e ou 4e grossesse.
Pour notre Joseph ceci est à exclure. Alors ? Peut-être une femme mariée dont le mari était absent : à la cour, à une guerre, une expédition lointaine, un voyage d'affaire ... Il n'aurait pas aimé trouver un oiseau de plus dans le nid à son retour ...
Mais alors pourquoi GIRAUD ? car ce n'est pas un second prénom de baptême et c'est le nom qu'il transmet à sa fille. Mystère là dessus. Est-ce le nom de sa mère , celui de son père ? On ne le saura pas.
Le 10 février, il a deux jours, on l'expédie à Saint-Martin de Brômes chez sa nourrice Louise ANGARIER, épouse de Joseph CHABERT, ménager ; j'ai pu retrouver quelques traces d'eux; ils ne sont pas tout jeunes : ils ont eu déjà, entre autres, Jean Joseph ° 1753, Melchior ° 1759, Alexandre ° 1762 et d'autres ensuite puisqu'elle le nourrit en 1767. Peut-on imaginer ce voyage avec un nouveau-né à environ 60 km en plein mois de février. Comment ? Dans un panier sur un cheval ?
Comment l'a t-on alimenté : il n'y avait pas de biberons. Alors en charrette avec une nourrice d'accompagnement ? Ou bien sa nourrice est-elle venue le chercher ? Comment se faisait la liaison entre l'hôpital et les nourrices prêtes à accueillir ? La téléphone n'existait pas. A Saint-Martin de Brômes j'ai relevé beaucoup de décès de bébés provenant de Marseille; ils ne survivaient pas souvent. Joseph devait être solide, il a survécu. En marge, sur sa page de registre le 27 décembre 1773 on a noté "Donné certificat de capitation" (sa carte d'identité) il a 6 ans 1/2. Là s'arrête les fournitures de l'hôpital. Il doit donc gagner sa vie ?
Et on le retrouve à Saint-Martin, dont il n'a sans doute pas bougé, il a 25 ans et il se marie :
"Joseph, surnommé GIRAUD, 25 ans, cultivateur (il ne signe pas) autorisé de son curateur André CHABERT à épousé Marguerite JOURDAN, fille e Mayeul JOURDAN, berger et de Madeleine AVON" le 12 septembre 1791 à Saint-Martin de Brômes.
Qui est son curateur ? Un fils aîné de la famille qui l'a élevé, un oncle, je ne l'ai pas encore trouvé car il y a beaucoup de lacunes dans les registres paroissiaux.
Je dois remercier intérieurement cette famille d'avoir élevé cet ancêtre, peut-être s'y sont-ils attachés. Sa fille Marie GIRAUD née le 3 janvier 1792 est la bisaïeule de son grand-père paternel, ce n'est pas si loin.
Les recherches dans cette branche s'arrêtent donc avec lui, mais pas les questions, ni quelques éléments de réflexion. Comme la généalogie n'était pas la préoccupation majeure de notre famille, je n'en avais jamais entendu parler. Peut-être aussi l'a t-on occulté, car j'ai des échos fort peu amènes sur certains autres ...
Sur l'oeuvre de l'hôpital : comment était faite la surveillance qui avait l'ai réelle ? Venait-on montrer l'enfant pour recevoir la suite des vêtements et subsides ? Qui fournissait les fonds ? etc...
Au fils des relevés systématiques on imagine la vie à ces époques quand on se plaint de nos jours, était-ce là la "belle époque".
R. MICHEL
Adhérente C.G.A.H.P.

vendredi 23 mars 2012

Mémoire de la peste advenue à Digne en l'an 1629


La Provence était dans une pleine et générale santé, n'ayant encore que la charté des vivres et le bruit de la guerre d'Italie et de la maladie du Dauphiné et de la ville Lyon, quand tout le monde s'y mit en garde, qu'on établit des bureaux composés des plus notables de chaque ville pour veiller à la conservation publique, lorsque Digne fut atteinte de la peste qui ravagea en peu de temps environ huit mille personnes. Ce fut après le passage des troupes du Roi par la dite ville au Piedmont, qui logeaient partout nonobstant une rigoureuse observation des billettes, sans lesquelles nul n'était admis en aucune part.

On y reconnut aussitôt le coup que le semblant, si ce n'est que quelques jours auparavant elle fut découverte en deux ou trois autres endroits de la Province, et qu'on remarqua des grandes mutations aux saisons quasi toutes préposterées (Préposterées : renversées,, interverties). L'air était le plus souvent épais et nuageux au dessus de la ville, où des vapeurs opaques et grondantes voltigeaient avec des insupportables touffeurs, éclairs et tonnerres. Tout au commencement, il y eut un extraordinaire déluge des torrents ; l'on vit un soir une flamme comme une langue de feu, qui traversa la ville d'un trajet soudain et disparut au delà. Les jardiniers se plaignaient aussi du malheureux succès de leur plant, et les laboureurs de quelque pauvreté des récoltes.

A ces premières apparences de mal, les oiseaux se rendirent invisibles ; on n'en aperçut ni vifs ni morts jusque à l'entrée d'octobre. Ils furent si fortunés en ce désastre qu'ils jouirent de la faculté que les hommes ne peuvent avoir. Ils eurent la liberté de fuir et trouvèrent des endroits pour y faire retraite, et pas un des habitants ne peut obtenir le privilège d'une quarantaine au voisinage, ayant été serrés de si près qu'on eut cru que c'était plus grand crime de souffrir le mal que de le faire, et les malades plus capables d'hostilité que d'hospitalité et de haine que de compassion.

C'était un mal différant de soi même selon la différence des natures. Ses symptômes étaient : bubons aux émonctoires des aisselles, des aines et du cerveau ; ils s'élevaient en ovale de la grosseur d'une amande jusqu’à celle d'un œuf et plus grande, avec douleur et sans inflammation, ni seule à seule deux a deux, et maintenant accompagnés de charbons et tantôt séparément. Ils tendaient la plupart à suppuration ; autrefois ils disparaissaient peu à peu, se dissipant ou rebroussant au dedans sans incommoder beaucoup les malades et les empêcher de cheminer ; ceux qui fluaient faisaient une cuisson intolérable, jamais sentiment de douleur plus exquis. Les charbons s'enflaient avec une plus insigne malignité. C'étaient des enlevures ardentes, premièrement en forme de pois ou petits boutons avec démangeaison et rougeur à l'entour ; ces pointes étant éclatées rendaient l'eau claire et faisaient en moins d'un rien une croûte ou eschare noirâtre comme celles du caustique, qui se dilatait de la largeur d'un ducaton et parfois de la paume de la main. Il s'en est vu de la rondeur d'un palet, qui tombaient du septième au quatorze séparées de la chair vive à lambeaux. A leur chute succédait un creux taillé sur ses bords avec une puanteur extrême d'où transpirait ordinairement un peu de bave et d'humeur en pus. Ils avaient à l'environ de leurs phlegmons de vescies lurides et transparentes, et s'exposaient par toutes les parties du corps même dans les yeux, dont quelques uns ont été gâtés. Il s'en trouvait parfois deux ou trois ensemble, voire certain en a eu jusqu’à douze, et plusieurs n'ont été chargés que d'un seul avec quelques pustules qui semblent demi charbon ; tantôt ils marchaient à part des bubons et tantôt conjointement, et leur cours était avec plus de véhémence de chaleur et de célérité. Quelques pestiférés n'avaient ni l'un ni l'autre, mais étaient seulement tiquetés de taches de pourpre, ores petit comme piqures de puces, ores grand étant chamarrés de larges plages comme les ouvrages de la Chine et bigarrés sur la peau de diverses couleurs : ici rouges et jaunes, là bleues et noires qu'on appelle tac. Plusieurs sans aucun pressentiment tombaient raides morts à terre, d'autres exhibaient des autres tumeurs aux muscles de la cuisse, du thorax, des fesses ou des bras, quelques uns des parotides et autres exitures, mais presque tous la fièvre.

Ses précurseurs et assesseurs étaient : tristesse, veilles, langueurs, faiblesses, lassitudes, douleurs de tête, assoupissement inexpugnable, vertiges, syncopes, aphonies, vomissements, nausées, flux de ventre, tranchées, mictions sanglantes, crachat sanguinolent, soif, tressueurs, tremblements, rigueurs, pesanteur universelle, rêverie, convulsions, communications ou suites de l'un à l'autre et enfin mortalité, qui sont les deux pathognomoniques. Les corps morts étaient horribles à voir, leur cuir hideux et d'un teint épouvantable, les visages défigurés, affreux et tournevirés. Ils n'avaient pas les membres flexibles et les chairs molles, comme l'on veut persuader, mais la plus part raides et tendus, si bien que cette marque n'est pas de mise.

C'était dès l'entrée de juin qu'elle commença de se faire soupçonner, et que la cour fit arrêt enjoignant aux habitants de se contenir et de ne sortir de la ville ou son terroir à peine de la vie. Tôt après, y vint de là même un commissaire pour donner des ordres. Il planta des bornes et posa des gardes et gendarmes au bout du pont de la Bléone, attenant au portail, d'où l'on sentait la mèche dans la ville. Il paraissait souvent à cette poste suivi d'une tourbe de députés des communautés voisines, pour leur assurance et non pour le bien des malades. Là se tenaient des entrevues et des conférences de ceux de dehors et de ceux de dedans de la distance compétente ; mais non pas du côté des habitants qui se pressaient tous y la foule pour ouïr les ordonnances qu'on y faisait et n'en rapportaient que plus de mal, car l'affection s'en était ainsi renforcée par diverses fois. C'eut été plus à leur avantage et le profit eut été plus grand s'il se fut dressé des étapes par ceux de dehors pour fournir des aliments et choses nécessaires à ceux de dedans ; mais la nouveauté des accidents cause beaucoup de fautes, lesquelles, comme elles doivent être plaintes, elles doivent de même être excusées.

Du depuis ou ne bloque plus les lieux, ni ferme plus les avenues par des hommes armés, l'on n'emploie plus des bouches à feu durant l'interdiction ; il suffit à chacun de se garder près de son habitation, et aux portes de sa demeure. L'expérience a fait voir que ce mal ne suit pas toujours les chemins, mais descend souvent d'en haut. Ces cruels et dénaturés règlements sont rangés avec les lois abrogées, on donne même des quarantaines à qui en veut a présent.
Aux premiers jours de ce mois mouraient deux, trois ou quatre personnes la semaine ; le monde dessinait déjà des secrètes dans les maisons pour y cacher et fermer le plus précieux avec des affiches et attestations scellées des magistrats au frontispice. La seconde quinzaine, il en décédait quatorze ou quinze chaque jour, et au commencement de juillet trente ou quarante, de sorte que l'infirmerie n'était pas capable de recevoir tant de gens, et l'on était contraint d'en souffrir dans la ville.
Sur le milieu la mortalité redoublait à tous moments : jamais peste plus funeste. Les plus constants ébranlés de ce carnage perdaient la carte, et les plus généreux n'étaient résolus qu'en leur irrésolution. La confusion pénétrait même jusque au dehors, quand on fit faire une criée que nul sortit de la ville de ceux qui se rencontraient dedans, et nul n'entrât de ceux qui se trouvaient dehors ; mais ceux-ci dépourvus de secours étrangers, étant pressés de la faim, furent réduits à mendier du pain de la ville. Ils étaient sortis par le terroir où ils s'étaient écartés par une ordonnance précédente, prononcée par le trompette, commandant le délogement, ainsi portaient-ils les allumettes et les semences de ce venin où ils avaient planté bourdon (Planter bourdon : demeurer, faire sa demeure.).
Or comme cette furieuse bacchante remplissait les maisons et cabanes de malades et de corps morts, et toute la Province de frayeur : les directeurs abandonnent le gouvernail, les officiers quittent et s'écartent, le premier médite le dernier son asile pour s'y refugier (Le premier médite le dernier son asile pour s'y réfugier, signifie : Le premier (parmi les directeurs) cherche le dernier (en dernier lieu) son asile pour s'y réfugier. C'est-à-dire : Les premiers citoyens ne cherchent qu'après tous les autres un asile pour s'y réfugier.), la justice s'éclipse, le culte divin cesse sans marque restante de religion, et le bureau se dissipe. Tôt après les consuls s'en vont, les fontaines tarissent, les eaux des moulins manquent, les fours deviennent froids, la police s'évanouit, les vertus morales et chrétiennes sont éteintes, les boutiques formées et les maisons ouvertes, les rues et les places jonchées de corps morts. Les malades périssaient à faute de toutes choses ; il fallait donner les deux cents écus à un valet pour un seul mois. L'horloge se démonte, les cloches ne sonnent plus, les serviteurs sont les maitres, rien que dédain, cruauté, barbarie et horreur. Il ne se présente que des phantasmes et des ombres de vivants dans l'indifférence de la vie et de la mort ; on n'entend que la charrette comblée de corps morts qui n'est pas bastante (Bastante : suffisante.) à les porter dehors.

Ce massacre dura si terriblement que l'épouvante en parvint jusques aux villages circonvoisins, qui, pensant mieux s'affermir contre cette furie et s'affranchir de ce péril, ne songeaient qu'à rétrécir toujours cet embrasement. Il fut proposé aux assemblées des forains de mettre le feu à la ville et la bruler ; l'exécution en fut suspendue par la nouvelle que divers autres lieux étaient assaillis de même misère, et qu'à les traiter touts également, il faudrait, possible, faire un général incendie des villes de la Province.

Tout était alors en désordre : la boucherie, la boulangerie et les étapes dudans avaient déjà failli ; ceux des cabanes étaient à la besace, et allaient à la quête de leur vie, quand les âmes les plus inexorables à la pitié commençaient à s'attendrir et les cœurs de roche à se ramollir en la considération de ce triste spectacle. Un dégât si prodigieux fit enfin obtenir un quartier d'un autre terroir au long de la rivière, demi lieue de la ville seulement, où quatre-vingts ou tant d'habitants purent prendre parti ; mais ce fut trop tard car, ayant porté la peste en croupe, ils y furent presque tous incontinents défaits ou malades. Quelques uns découvrant encore là cette hydre renaissante impétrèrent la faveur de s'éloigner davantage et d'être confinés en un désert qu'on leur avait désigné ; mais les peuples mutinés, s'étant assemblés au toxain, fermèrent les passages et leur firent tourner le dos après les avoir blessés. C'est ainsi qu'on poursuit et lapide vulgairement les chiens enragés ; les guides même qui faisaient escorte en eurent des coups.

Cependant les corps morts se multiplient si déplorablement dans la ville, qu'on les laisse longtemps sans sépulture et quelques uns sautent en pièces quand on les veut entraîner. Un seul jour de la fin de ce mois on compta mil cinq cents cadavres sur le pavé, causant une puanteur suffocante ; il en décédait alors huit vingt d'un soleil à l'autre. L'attelage de la charrette était rompu, néanmoins chacun s'efforcer d'enterrer les siens et séquestrer le vif d'avec le mort. Les corbeaux échappés et quelques autres qu'on tira de la prison d'entre des condamnés en charriaient incessamment sur les épaules et en chargeaient des ânes et des chevaux, et le chariot étant rhabillé l'on entassa de si grands monceaux au seuil des portes de la ville qu'ils semblaient des vaisseaux chargés de bales de coton. On les reposait là pour nettoyer plus promptement le dedans, et pour avoir plus de loisir de creuser après les monuments à tous ensemblement.

Dans une petite chambre de deux cannes carrées s'en est trouvé neuf ensemble sur le carreau. On les ensevelit tous sans pompe funèbre et sans cérémonie ; nul deuil, nul compliment de prêtres ni d'amis ni de parents, nul ne pleure pour la mort, ni vit pour la vie ; aussi ne s'est il y eu naître personne en ce temps. On les inhume ou plutôt décharge dans des fosses profondes. Il y en a encore parmi les vivants qui ont été enterrés parmi les morts. Le danger était si présent et de si peu d'espérance de ressource qu'on commençait a se coudre avant qu'être attrapés, de peur d'aller sans linceul et sans habit lugubre ; des familles et races entières en ont été exterminées.

Une fille de vingt ans jetée en terre s'éveilla montrant quelque mouvement et fut retirée du sépulcre : plusieurs sont pourris en des jardins et des bassecours ; un autre ressuscita de son enterrement en état d'être enseveli deux fois. Aux huttes, les survivants enterraient leurs compagnons : le mari la femme, la mère le fils, la sœur le frère et le maître la chambrière. Il y en a de si peu couverts qu'au premier vent ils ont montré la jambe, le bras ou le visage. Certains ont été longuement morts dans leurs cabanes, sans qu'on les sut et qu'on les osât approcher. Un chien garda son maître cinq ou six jours sans manger. Tout le terroir n'était qu'un cimetière ; les chevaux couraient par las pâquis sans bride et sans palefrenier. Plusieurs couchaient sur la dure et au serein tout vêtus, sans que nul ne les voulut ouïr ni leur tendre la main. Il s'en est même trouvé qui ne s'étant peu délier l'aiguillette de quelques jours ont laissé leurs chausses pleines de leurs œuvres (Détail réaliste, non mentionné dans le récit de Gassendi.) ; d'autres ont été dévorés par les bêtes sauvages et les membres arrachés.

La ville continuait en sa désolation au premier d'août, et les malades faisaient toujours marcher les gaillards à reculons, quand on observait des étranges actes. Un propre père remuait et tournait son fils pubère avec des tenailles de pelletier d'une canne de long, étendu malade sur le plancher. Les femmes enceintes s'avortaient presque toutes, certaine anticipa tant soit peu le terme de son accouchement, et se tirant elle même l'enfant l'appliqua à ses mamelles ; les Parques n'attendirent qu'un quart d'heure de leur trancher à tous deux le filet. Une autre, à l'instant qu'elle fut délivrée de son naturel enfantement, se prit à courir à perte de vue à travers champs et par détours et précipices effroyables où elle ne s'arrêta que par la mort. Les enfants au lait, survivants leurs mères, ne tardaient pas à partir après à faute de nourriture. Il s'en est vu qui suçaient les tétins de leurs nourrices toutes mortes, et à qui des chèvres ont depuis suppléé. Certains maris ont prêté les mains et servi de lucines et sages femmes à la naissance de leurs enfants, tantôt vifs tantôt morts, et tous sans baptême et sans distinction, pêle-mêle.

Un pestiféré monta sur les toits des maisons et, après avoir sauté et dansé, dans les rues où il passait, la cabriole, s'en alla gambadant hors de la ville vers le pont, gaya la rivière et s'achemina tout nu directement au corps de garde, dont la garnison le tua. Un cordelier échela sur un couvert duquel il jetait les tuiles l'un après l'autre et grimpait les murailles comme un écureuil ; un autre chantait en ses derniers abois avec plus de grâce que jamais et, comme le cygne, soupirait ses plus doux accents. Un père malade précipita son fils et le lança de la fenêtre tout vivant ; quelqu'un s'est brisé cuidant voler ; dans la rêverie la plupart cherchait à faire chemin. Un autre, croyant flotter dans un vaisseau sur mer agitée de la tempête, jetait tout dehors de crainte de naufrage. Certain, courroucé de ce qu'on l'avait résigné dans la maladrerie, s'estimant encore en parfaite disposition, se déroba de la, trompa les sentinelles et, pour montrer qu'il n'avait pas le mal, donna barres à ceux qui lui venaient en rencontre et courut enfin à perte d'haleine vers sa famille, où il surprit sa femme et la forçant (Détail omis dans le récit de Gassendi.) rendit l'âme avec elle, sans exception de ses petits. Un homme trentenaire, s'excitant d'un somme de quatre jours qui le faisait prendre pour un mort et qui n'était plus parmi les vivants qu'à faute de gens pour l'enterrer, allait partout prophétisant les choses futures et annonçait le jugement de Dieu, vagabondant jour et nuit pour exhorter le peuple à la repentance. Il donnait même sa malédiction à qui ne se mettait a genoux devant lui. Une veuve demeura deux semaines endormie et close dans sa chambre, sans que jamais aucun l'ait vue et lui ait rien donné soit a boire soit a manger. Une fille de vingt-cinq ans tomba dans une vigne connue battue de la foudre et fut engagée dans un sommeil si profond que nulles secousses faites par le chemin ne la purent exciter ; elle fut durant trois jours entiers dans une perclusion de tous les sentiments, au quatrième elle sentit un bubon en l'aine dont elle guérit ; merveille car les malades tant assoupis, qui tardaient si longuement de répondre aux assistants, étaient incontinents saisis des corbeaux et rangés parmi les morts. Une famille fut brulée vive morte dans sa métairie, située au terroir voisin, de propos délibéré : la présomption de la maladie fit commettre cet attentat pour en arrêter le progrès ; ce n'est qu'à trois arquebusades de la ville.
De tant de morts ou malades on n'a pas eu moyen d'en secourir cinq cents. Tout était en déroute ; l'appréhension était si grande que tout le monde fuyait ; les moindres maux passaient pour des pestes ; bien servait de se pouvoir paître, et de ne dépendre totalement de la merci d'autrui. Une femme même refusa de gouverner son mari suspect de contagion.
Cette maladie commença à décliner au mitan d'août. Il n'on mourait plus que trois ou quatre tous les jours en septembre, et c'étaient de ceux qui venaient et s'étaient conservés aux cabanes. Elle joua la catastrophe de sa tragédie à la lune d'octobre ; les rues et les places verdoyaient déjà de mousse et de germe vert ; une voix poussée retentissait merveilleusement par la ville et semblait à chaque pas rencontrer un écho qui la répétait ; tout était vide dedans, et ce n'était plus qu'une solitude si lamentable que les arondelles mêmes ne voulaient pas séjourner.
Comme nous avons dit ci dessus les barrières et limites assignées resserraient les habitants en si petit espace que le mal s'en irrita, parce qu'on roulait presque les corps morts entre les jambes. L'étendue de ce terroir n'avait pas été considérée et, quelque remontrance qu'on en fit, elle ne fut jamais examinée. L'octroi du promenoir de delà le pont, dont les propriétés appartiennent à ceux de la ville, eut évité ces mortels inconvénients ; c'est ce côté seul et plus proche qui les pouvait garantir ; il ne fut point touché de cette calamité et les villages qui sont en sa perspective n'en furent pas contaminés ; mais il leur fut dénié jusque à partager même le gravier.
Aussi le ressentiment de cette injure en avait, dès les premières invasions, si fort piqué quelques uns qu'ils faillirent à fondre sur les gardes ; mais, les plus retenus les faisant mieux espérer, ou l'étonnement leur ôtant le courage et les ayant tous énervés, l'effet en fut suspendu pour cette fois ; néanmoins l'alarme en fut si grande chez eux, qu'en un tournemain grand nombre d'arquebusiers et mousquetaires d'alentour parut en haye au-dessus du pont pour s'opposer à ce dessein.
Enfin la ville n'étant plus infestée se repeuplait tous les jours par le retour des habitants qui s'étaient absentés et campés aux prés et terres de son circuit, aux huttes ; de sorte qu'au bout du mois on donna le dénombrement d'environ mil cinq cents personnes résidantes effectuellement dedans, dont on n'exempta que cinq ou six qui n'eussent eu le mal. La paix et la bonace d'un agréable repos contentait déjà les esprits et les corps secoués de l'orage : le service de Dieu se rétablissait, les autels se réparaient, l'eau bénite se remettaient (sic) dans les églises, les prêtres retournaient à leurs offices, les lampes se rallumaient dans les temples, et l'odeur du marc des vins nouveaux de la vendange, qui leur fut prohibée, parfumant et embaumant les rues et les maisons, commença la purification ; ou l'entreprit et parfait générale et particulière. Sur ces entrefaites la rudesse des gardes subsista plus insolemment en son oppression : « Demeurez là, tirez vous arrière, ou je vous tirerais ! » était leur plus courtois et consolant langage. Quelque certitude qu'on leur suggérât de convalescence, ils étaient incrédules et sans clémence. Ainsi les nouvelles du mal vont beaucoup plus vite et font plus d'impression que celles du bien. Ces gens devaient ce semble participer à la réjouissance de la ville et se recommander par quelque trait d'humanité, et tant s'en faut qu'ils esmeurent une sédition au second de décembre. Ils s'oublient de lâcher un coup de carabine contre un habitant qui partait sur la barrière. La plaie l'ayant mis à terre et fait transférer en sa maison, le peuple s'anima tellement de ce scandale qu'il fut impossible de l'empêcher qu'il ne prit les armes et livrât l'assaut à ces ennemis la. Ils furent donc chassés de leurs corps de garde, dont il fut fait un feu de joie, et les poursuivit-on un assez long intervalle ; on en retint même un prisonnier qu'on mena dedans sans lui nuire ; en la bataille il en resta un de la ville sur la place et deux des advolés (aubain, étranger au pays.) morts.
Du depuis les habitants ont eu la campagne libre, et nul ne leur a plus disputé le large, et ces geôliers qui faisaient là leur affaire, écumant en pirates tout ce qui se présentait à vendre, ne les affamaient plus, goupillant et grivelant même jusque aux meilleurs présents mandés de dehors. Mais, quoique cette saillie fût un témoignage d'embonpoint, toutefois la créance n'en fut pas autorisée tant universellement. Il fallut faire confirmer la santé par arrêts exprès. A ces fins un autre commissaire de la cour du Parlement du pays accéda sur le lieu, prince au préalable information des consuls et communautés prochaines, et ouï les plus apparents en gros et on détail, moyennant serment, de la ville. Ce fut à Pâques, au mois d'avril de l'année subséquente, qu'ils eurent leur entrée, sans rapport d'autres médecins que de celui de dedans.
Au reste tant que cette poste a régné, toutes les autres maladies ont fait trêve ; les valétudinaires, les femmes et notamment les vieilles ont eu meilleur marché, voire même il en est plus échappé que des hommes bien disposés et de jeune ange.
C'est une commune maxime que la peste et la guerre sont des fléaux et des châtiments de Dieu ; mais certes il reluit si peu d'amendement par tous les lieux battus de ces verges, qu'il semble que le monde en a beaucoup empiré. Durant ces malandres on n'a vu que des exemples de tyrannie et d'inhumanité, mais de fort peu d'amour envers le prochain ; en l'un et en l'autre, chacun s'est éclairci de son compagnon. Par l'épreuve de ces essais, où l'intérêt particulier l'a toujours emporté sur l'amitié, tant à ce coup elle a paru languissante, nul n'est a connaître qu'en ces occasions il ne fallait guère attendre de bon que de Dieu et de soi même, partant plusieurs sont tombés nonchalamment dans la froideur de l'indifférence des autres.
Cette tourmente passée, la ville jouit encore du calme d'un an entier et quelques mois ; mais au trente du suivant elle revint au détriment d'une rechute. On y déclara semblable contagion à la première, fors qu'elle n'enleva pas tant de gens, soit que le monde plus avisé battit aux champs et gagna pays, ou soit qu'il lui fut loisible d'aller et venir jusque aux portes des villages d'alentour, sans abus. Sa proie ne comprit que cent personnes, mais nul de ceux qui avaient eu la précédente ne fut ressaisie de la seconde.


David de LAUTARET