vendredi 17 avril 2020

Pierres gravées dans la montagne

A toute époque les bergers ont laissé des témoignages gravés dans la pierre. Si certaines gravures ont un grand intérêt archéologique, d’autres bien plus récentes sont précieuses pour l’histoire familiale, tout autant qu’un vieux document administratif conservé dans un carton d’archives.
Il ne faut pas croire que les bergers gravent les pierres par désœuvrement, pour tromper leur ennui… surtout si c’est une belle pierre d’angle de la cabane du patron. Un évènement où une circonstance particulière donne lieu à une œuvre soignée et réfléchie. Les plus jeunes vont ainsi immortaliser la première année où le troupeau leur est confié, d’autres la reconstruction de leur abri, voire même un évènement tragique et leur désespoir. Ces témoignages ne sont pas anonymes, ils peuvent être clairement attribués, et quelques fois dans notre département des Alpes de Haute Provence une simple recherche généalogique sur notre site suffit.

Au lac d’Allos les agents du Parc National du Mercantour ont réaménagé l’ancienne cabane et conservé en évidence dans le mur une pierre gravée, elle figure désormais dans l’inventaire patrimonial de la Région. Des centaines de personnes peuvent la lire chaque année.


« 1879 GARSIN EUJENE berjer aje 19 an ».



L’état civil de la commune d’Allos étant « relevé » en totalité par notre association CGAHP, on retrouve aisément un mariage Eugène Garcin, berger né en 1860, sur Geneabank.





Une recherche complémentaire dans les matricules militaires en ligne sur le site des Archives Départementales confirme son adresse à 20 ans : « le mont Tallon » c'est-à-dire une montagne appelée de nos jours col du Talon, à côté du Lac d’Allos. Le facteur ne devait pas y passer tous les jours.


Poursuivant les recherches sur Prads Haute Bléone, village natal d’Eugène, puis d’Allos, on découvre le parcours de cet homme. Ce ne sont plus seulement des dates et des lieux, mais des situations familiales complexes que l’on peut retracer, et l’histoire d’une vie bien remplie.
Petit orphelin de père, même pas le temps de grandir dans une nouvelle famille recomposée, et parti très jeune berger à Saint Martin de Crau, on lui confie enfin un troupeau de Camargue transhumant sur Allos. Il s’y installe et devient lui-même chef d’une famille, elle aussi recomposée, car les deuils sont fréquents à cette époque… puis s’établit commerçant dans la Grand-rue d’Allos.



Une photo de famille : les jours heureux d’Eugène, la «belle époque», on trinque pour la conscription des garçons de la classe 1907. La famille est réunie autour de lui le père moustachu, à gauche. C’est la fête pour les fiers jeunes gens, quelques années après en 1914 commencera un cauchemar.















Marie-Christine DUVAL 17/04/2020